La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) adoptée en février 2020 prévoit l’obligation du tri à la source des biodéchets au plus tard le 1er janvier 2024. Un an après, où en est-on à Marseille ?
L’obligation du tri à la source des biodéchets s’applique à « tous les producteurs ou détenteurs de biodéchets, y compris aux collectivités territoriales dans le cadre du service public de gestion des déchets » depuis le 1er janvier 2024. Concrètement, cela signifie que les collectivités territoriales sont tenues de proposer à leurs habitant·es une ou plusieurs solutions pour leur permettre de trier leurs biodéchets. Par biodéchets, on entend à la fois les déchets alimentaires (restes de repas, épluchures, …) et les déchets verts, issus des activités de jardinage ou d’entretien des espaces verts.
Et par solution, on entend à la fois la collecte en porte à porte, en points d’apport volontaires ou via des composteurs collectifs et individuels. Mais l’avis du ministère de la Transition Écologique sur le sujet, publié le 6 décembre 2024, est clair : « Pour des motifs liés à l’accessibilité, à la qualité et à la performance du geste de tri, la collecte en porte à porte est, dans la mesure du possible, privilégiée. En outre, les collectivités ayant recours à des points d’apports volontaires sont en mesure de justifier d’un taux de participation satisfaisant, en lien avec la bonne accessibilité de leur dispositif. »
Pourquoi c’est important de trier ses biodéchets ?
Parce qu’un tiers de nos poubelles est constitué de déchets alimentaires ! Ces déchets, s’ils ne sont pas correctement triés, finissent généralement à l’incinération ou à l’enfouissement. Ce processus est particulièrement problématique : non seulement l’incinération des biodéchets est très énergivore à cause de leur forte teneur en eau, mais l’enfouissement génère également d’importantes émissions de méthane, un gaz à effet de serre quatre fois plus réchauffant que le dioxyde de carbone (CO2) ! Le tri des biodéchets représente donc un enjeu majeur pour réduire notre impact environnemental.
Des années pour s’y préparer…
L’ADEME estimait fin 2023 que moins d’un.e français.e sur trois (soit environ 20 millions de personnes) aurait accès à une solution de tri à la source au 1er janvier 2024.
Au 1er juillet 2024, soit 6 mois après son entrée en vigueur, un peu moins de 40 % des français.es disposent d’un dispositif de tri à la source des biodéchets, soit près de 26,7 millions de personnes.[1] Le Ministère de la Transition écologique, s’était donné cet objectif pour l’année 2024. [2]
Peut-on se satisfaire de ces chiffres ? En juin 2015, la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) annonçait déjà une obligation de généralisation du tri à la source des biodéchets pour tous ses producteurs pour fin 2023. Les collectivités ont donc eu 8 ans pour se préparer à cette nouvelle obligation… Le manque de volonté politique et de moyens financiers des collectivités se mêlent au manque d’objectifs contraignants de la part de l’état, comme le constatent les 90 groupes locaux Zero Waste[3].
Le tri des biodéchets à Marseille
À Marseille, c’est la Métropole Aix-Marseille-Provence qui est responsable de la gestion des déchets des habitant.es et donc de sa conformité à la loi AGEC. Les communes, quant à elles, gardent la responsabilité des biodéchets produits par les établissements communaux (mairie, école, crèche, cantine, …).
Jusqu’à présent, sur le territoire métropolitain, les solutions de tri à la source se résumaient à la mise à disposition de composteurs individuels ou collectifs, pour les habitant.es disposant d’un accès à un espace extérieur propice, ou de lombricomposteurs pour les usager.es résidant en appartement.
Mais depuis le 1er janvier 2024, des bornes de tri des déchets alimentaires ont également fait leur apparition dans différents quartiers marseillais. Ces points d’apports volontaires ou « abribacs » marrons peuvent accueillir tous les déchets alimentaires, sans distinction : fruits, légumes, viande, poisson, agrumes, restes de repas… directement en vrac, muni de son bio-seau, ou dans des sachets krafts ou compostables. Nos déchets alimentaires sont ainsi collectés régulièrement et acheminés au centre de compostage d’Istres, géré par l’entreprise Suez.
A ce jour [4], la Métropole nous confirme que 1000 abribacs ont été déployées dans la ville, principalement dans les zones « denses », constituées d’immeubles et autres habitats collectifs. La carte des bornes présentes sur le territoire est consultable ici. La commande de composteurs reste évidemment possible pour les habitant.es possédant un jardin ou un emplacement favorable dans leur résidence.
Reste à savoir si l’emplacement de ces bornes respectent les recommandations du Ministère, qui indique que « les ménages ont accès à un point d’apport volontaire dans un rayon situé à une distance maximale de 150 m, avec une distance préconisée de 100 m. » Dites-nous en commentaire à quelle distance est la borne la plus proche de chez vous !
Mieux qu’ailleurs ?
À Paris, on recense en janvier seulement 700 abribacs ! La capitale a également opté pour des points d’apport volontaire en 2024, mais son déploiement reste largement insuffisant. [5]
Nos collègues de Zero Waste Paris ont d’ailleurs lancé la semaine dernière la campagne « Sortez-nous d’là » pour sensibiliser les parisien.nes et les collectivités locales aux conséquences de l’enfouissement et de l’incinération des déchets organiques. Cette campagne met en lumière l’importance de sortir les biodéchets des circuits de traitement classiques pour les valoriser correctement.
La Métropole du Grand Lyon, quant à elle, a travaillé sur le déploiement de bornes alimentaires dès 2021 [6], sur Lyon et les communes aux alentours. Soit un peu plus de 2000 bornes déjà déployées. De même à Strasbourg, où l’Eurométropole a commencé son déploiement en 2022 et compte près de 1400 points d’apports volontaires. D’autres grandes villes comme Nantes, ont tout juste commencé des phases d’expérimentation dans certains quartiers.
En conclusion, même si on pourrait reprocher un certain manque d’anticipation de la Métropole Aix-Marseille-Provence concernant l’obligation du tri à la source des déchets, on constate tout de même que le déploiement des abribacs à Marseille sur 2024 a été rapide. Il nous manque encore beaucoup d’éléments pour analyser complètement cette nouvelle collecte (qualité du tri, adhésion des citoyen.nes, fréquence de collecte, …) et nous attendons la suite du déploiement, qui prévoit l’installation de 1600 autres bornes à l’Est et l’Ouest de la métropole dans les zones urbaines denses et noyaux villageois entre 2025 et 2026. Pour les autres zones, la Métropole accompagne les communes à l’installation de composteurs collectifs ou à la mise en place de solutions innovantes [7] prochainement.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Zero Waste Marseille est curieuse de savoir ce que vous pensez du déploiement des abribacs à Marseille et si vous compostez vos biodéchets …N’hésitez pas à nous partager votre expérience en commentaire !
Fiona & Elisa
[1] Article Ouest France du 10 octobre 2024
[2] Voir communiqué de presse du 19 octobre 2023
[3] Article « Tri à la source des biodéchets : un an après l’obligation, un bilan insuffisant » de Zero Waste France, publié le 17 décembre 2024
[4] Echanges avec les services de la métropole le 29/01/2025
[5] Voir le reportage de Brut, diffusé le 23 janvier 2025 avec Zero Waste France
[6] Article France Info du 23 décembre 2023
[7] Un « appel à solutions » sera diffusé prochainement afin de recenser les solutions innovantes de collecte et tri des biodéchets pour 68 communes de la Métropole.